La neutralité du Net : la clef du succès d’Internet

Récemment, la Fédération Française des Télécoms (FFTélécoms) et Patrick Drahi (PDG de Altice-SFR) se sont exprimés contre la neutralité du Net devant le Sénat, lors d’une commission d’enquête sur la “Concentration des médias en France”.

Nous profitons donc de cette occasion pour rediffuser ce Guide sur la Neutralité du Net, écrit en 2018 par l’ARCEP pour expliquer au grand public le débat sur la neutralité du Net.

Et, puisque les opérateurs associatifs comme ILOTH, représentés par la FFDN, n’ont pas été consultés, nous allons répondre ici pour vous donner notre point de vue.

Sans surprise, ILOTH ne partage pas du tout le point de vue de M. Drahi et de la FFTélécoms

Nous estimons, au contraire, que c’est la neutralité du Net qui a fait le succès de l’Internet d’aujourd’hui.

Nous ne pensons pas que la solution pour contrer les GAFAM serait de les faire payer pour que les internautes puissent utiliser leurs services. Avec ce que propose M. Drahi, les gros opérateurs Internet voudraient être payés deux fois : une première fois par les internautes, et une deuxième fois par les services consultés (ici, les GAFAM). 

Or, les GAFAM paient déjà leurs accès internet, et généralement plus cher que nous, car ils ont de plus grands besoins que nous, simples utilisateurs, qui ne recevons pas des milliards de connexions par jour, et qui n’avons donc pas les gros besoins en bande passante qui en découlent.

Ces acteurs paient toute une infrastructure, de réseau et de machines, pour mettre à disposition leurs services. Et donc, d’un certain point de vue, ils offrent ces services et cette infrastructure aux opérateurs Internet, pour fournir quelque chose à l’internaute (un accès à Internet sans services au bout d’Internet n’a pas tellement de valeur).

D’une certaine manière, les fournisseurs de services paient “en nature”, puisqu’ils fournissent les services qui donnent de la valeur à l’accès Internet que l’internaute vient acheter.

Faire payer les GAFAM ne ferait que conforter la position dominante des GAFAM, et serait un frein aux services alternatifs

Quand un FAI vend une option “accès illimité à Facebook” et pas à un autre réseau social, vous confortez la position dominante de Facebook. Vos abonnés utiliseront ce qui est le moins contraignant pour eux : “Oui, Facebook c’est naze, mais quand je me connecte à Mastodon (une alternative) c’est decompté de mon forfait et mon débit est moins rapide, alors que Facebook est en illimité”.

Cette idée de se faire payer deux fois, qui prétend affaiblir les GAFAM en venant leur prendre quatre sous, aurait pour effet de renforcer leur position dominante et de marginaliser leurs concurrents.

La FFTélécoms se plaint de la position dominante des GAFAM alors que, quand ça les arrange, les opérateurs membres de la FFTélécoms n’hésitent pas à faire leur publicité en vantant l’accès aux services des GAFAM, de Netflix, etc.

En mettant en avant des accès illimités vers ces services plutôt que d’autres, les opérateurs ont leur part de responsabilité dans le fait que les utilisateurs utilisent ces services plutôt que d’autres.

A contrario, ILOTH et tous les FAI membres de la FFDN qui militent pour la neutralité du Net, ne font pas de publicité pour les GAFAM. On encourage, on informe, ce qui permet à des alternatives de naître. Ces alternatives comme les CHATONS ou le BIM par exemple sont possibles parce que la neutralité du Net protège ces initiatives. Si tout le monde est logé à la même enseigne, alors tout le monde a ses chances.

Chez ILOTH on aime ce qu’est Internet : un bien commun où tout est possible car ce sont les utilisateurs des réseaux qui influent sur ce que deviennent les réseaux.

M. Drahi, au lieu de vouloir récupérer trois sous en renforçant le position dominante des GAFAM, ferait mieux de faire son travail d’opérateur réseau.

Le métier d’opérateur consiste à construire l’accès au réseau

Si on regarde la carte de l’accessibilité à Internet en France, on voit que les opérateurs ne remplissent leur fonction que partiellement : les campagnes sont très mal désservies, là où les agglomérations bénéficient de très hauts débits.

Quand on augmente les débits dans les grandes agglomérations, les investissements sont moins élevés car il y a déjà des infrastructures existantes sur lesquelles s’appuyer, le réseau est plus ou moins déjà construit, on remplace des équipements par des plus performants. Le résultat, c’est qu’on a des centres villes et des grandes villes très denses avec du très haut débit et que les gens utilisent des services de plus en plus gourmands en bande passante (vidéos 4k, Live en FULL HD, etc).

Faire les travaux nécessaires pour que les zones moins denses et les habitants des campagnes aient une meilleure qualité de connexion, c’est plus compliqué. Les coûts sont plus importants, il faut créer des infrastructures, penser et organiser son réseau autrement. On voit bien que ce travail est peu fait par les opérateurs de la FFTélécoms, qu’ils y vont à reculons.

Or, quand on augmente les débits dans une zone déjà bien couverte, tout en délaissant les campagnes et les zones où le réseau n’existe pas, on ne construit pas l’accès au réseau, on crée des problèmes et on aggrave la fracture numérique.

Que monsieur Drahi fasse son travail, au lieu de lorgner l’argent de poche de ses petits camarades.

Un grand merci à la FFDN pour sa participation à la rédaction de cet article.

– L’équipe iloth


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